La Crêpe
Depuis la nuit des temps, à travers le monde, les hommes ont préparé des galettes à base de farine de céréales ou légumineuses pour accompagner leur repas. Il s’agissait d’une galette épaisse, réalisée avec une pâte mêlant de l’eau à diverses farines et cuite sur une pierre chaude. Les historiens établissent l’origine de la galette à 7000 ans avant Jésus-Christ.
On peut citer comme exemple de galette : le Cong You Bing en Chine, le Paratha dans l’Asie du Sud, le Chapati en Inde, la Pita au Moyen-Orient, l’Injera en Ethiopie, la Tortilla au Mexique, la Galette puis la Crêpe en Europe et plus tard le Pancake aux Etats-Unis.
Les romains célébraient la fête des Lupercales avec des galettes épaisses cuites sur pierres chaudes, au début du mois de février, pour invoquer la fertilité de la terre pour une moisson abondante avec la venue du printemps. En 494, le pape Gelasius a transformé cette fête en tradition chrétienne célébrée le 2 février : la Chandeleur. En France, encore aujourd’hui, la chandeleur est célébrée dans beaucoup de familles avec des crêpes.
La crêpe, ou galette française, bien plus fine que la version romaine, est apparue en Bretagne vers le 13ème siècle suite à la culture du sarrasin rapporté des croisades en Asie. D’abord au sarrasin, elle a été transformée pour donner la crêpe faite à partir de la farine blanche de froment (farine de blé tendre) au début de du XXème siècle.
Icônes internationales, les crêpes sont identifiées mondialement comme provenant de la cuisine française.
Elles peuvent constituer le plat principal d'un repas (galettes de sarrasin avec œuf, jambon et fromage par exemple), le dessert (les fameuses crêpes Suzette au Grand-Marnier), ou être simplement prises en encas au cours de la journée (les crêpes au froment sucrées). Elles sont le plus souvent consommées à la maison puisque la recette est simple, aux restaurants mais également lors des festivités telles que les foires ou fest-noz bretons. Pour un repas complet de crêpes il est traditionnel d’aller dans une crêperie bretonne où elles seront accompagnées de cidre.
En France, la crêpe sucrée est une gourmandise servie aussi bien au sucre, à la confiture, à la pâte de chocolat ou de caramel qu’avec des fruits le tout parfois surmonté de crème fouettée ou chantilly.
Si l’on se rend dans le quartier de Harajuku à Tokyo au Japon, on trouve une foule de personnes qui se promènent et savourent les multiples déclinaisons de la version japonaise de ce plat iconique français.
Origine de la crêpe japonaise
Les crêpes sont apparues pour la première fois à Harajuku en tant que plat de rue dans les années 1970. Ces crêpes japonaises « Kureepu » (クレープ en japonais) sont très fines, enveloppées dans du papier en forme de cône et surtout, elles renferment une variété de garnitures inhabituelles. Elles sont fabriquées à partir d’un mélange de farine de blé et de riz et peuvent être garnies de produits salés ou sucrés. En utilisant un ustensile pour étaler la pâte à crêpes sur la poêle ou la plaque, les crêpes japonaises peuvent être fabriquées aussi fines que du papier. Contrairement aux crêpes françaises, les crêpes japonaises sont presque exclusivement des friandises de plein air, vendues le plus souvent dans des stands de restauration et consommées dans la rue comme encas.
Le design et la grande variété de garnitures sont ce qui rendent les crêpes japonaises si différentes des crêpes françaises. En les faisant passer d'un plat servi à table à un produit à consommer sur le pouce, les japonais leur ont donné une nouvelle vie en les amenant sur la scène du « Faasutofuudo » (ファーストフード en japonais), la restauration rapide connue sous le nom de fast-food.
De gauche à droite. Crêpes japonaises de la marque ROCCA & Friends aux parfums suivants : châtaigne confite ; crème fouettée et fruits des bois ; crème brulée et fruits exotiques aux amandes effilées.
Emergence de la crêpe japonaise
Si les crêpes françaises avaient déjà été introduites au Japon, ce n'est que dans la seconde moitié des années 1970 que l'on a pu voir l’émergence commerciale des crêpes japonaises modernes. À l'époque, la crêpe standard japonaise était encore similaire aux crêpes de style français, avec une crêpe chaude recouverte de confiture de fruits ou de sauce au chocolat servie dans le cadre d'un menu de restaurant.
C’est en 1976 que le premier stand de rue de crêpes ouvre à Tokyo, « Marion Crêpe », une marque qui deviendra rapidement populaire dans tout le pays. C'est le premier magasin au Japon qui se spécialise dans la fabrication de crêpes de rue. « Marion Crêpe » a établi la norme moderne pour les crêpes au Japon en les vendant directement comme un encas que l'on peut manger en marchant.
Un an plus tard, en 1977, Marion Crêpe ouvrait également une boutique dans la rue Takeshita à Harajuku, Tokyo. Une rue qui est aujourd'hui très souvent associée aux crêpes japonaises, en raison de sa forte concentration de crêperies.
La même année, la franchise Café Crêpe ouvre son premier magasin dans la rue Takeshita, sous le nom de Blueberry House. Bien qu'au début cette franchise n’attire pas beaucoup d'attention, cela changea rapidement lorsque, durant l'été 1979, ils décidèrent d'ajouter de la crème glacée comme garniture à l'intérieur de la crêpe. Cette idée s'est avérée être le tournant qui a attiré tous les regards sur ces nouvelles crêpes de style Harajuku. Des fruits sont ensuite ajoutés en complément, ainsi que de la crème fouettée et diverses autres garnitures.
Une devanture de présentation des multiples parfums de crêpe
Le concept des crêpes Harajuku s'est rapidement imposé et est devenu ce que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de crêpes japonaises. La combinaison des idées de ces deux franchises : faire sortir les crêpes dans la rue et proposer de nouvelles garnitures, a donné naissance à une toute nouvelle culture de la crêpe dans un pays situé à des milliers de kilomètres de son lieu d'origine.
Emergence de la crêpe française au Japon
Dès 1996, le restaurant Le Bretagne, à Tokyo, a été le premier à initier le Japon à l’art de la crêpe et de la galette à la française.
C’est au cœur d’une petite ruelle du quartier de Kagurazaka, « le Montmartre du Japon », que l’on trouve la toute première crêperie « française » du pays : « Le Bretagne », un nom et un port d’attache choisis il y a 27 ans par Bertrand Larcher. Il crée ainsi le premier « Breizh Café » et propose du cidre doux et brut avec ses crêpes et galettes.
Photographies: © Breizh Café et pour la crêpe Suzette: https://glutenlibre.co/
Une formule à succès car une dizaine de « Breizh Cafés » jalonnent aujourd’hui le territoire japonais, le dernier ayant ouvert à Fukuoka. Un bar à cidre a également émergé dans une maison traditionnelle tokyoïte, et une épicerie fine propose biscuits, caramels au beurre salé et Breizh Cola. « Nous sommes le premier distributeur de cidre français au Japon », confie Bertrand Larcher en mesurant le chemin parcouru.
Anecdote : le premier restaurant créé en 1995 par Bertrand Larcher est la crêperie « Le Bretagne » à Tokyo au Japon. En 2003, il ouvre un restaurant à Fougères en Bretagne, à proximité de la ferme familiale. Ce n’est qu’en 2004 qu’il lance la chaine des « Breizh Cafés » avec le premier à Cancale en Bretagne. Viendront ensuite, Paris, Nagoya, Yokohama, etc.
Emergence de la crêpe «Harajuku» en France
Si l’envie vous prend de déguster ces superbes crêpes japonaises en forme de cônes garnies de glace, cheesecake et autres délices, comme on en trouve à Harajuku dans la banlieue de Tokyo, alors direction Paris et les 1er et 4ème arrondissements.
Avec les enseignes « Comptoir Harajuku » et « Princess Crepe », bienvenue dans l’univers kawaï nippon du quartier Harajuku sans quitter la France métropolitaine.
Vous pourrez composer intégralement votre crêpe, sucrée, salée, avec de la chantilly, du chocolat, des haricots rouges, du gâteau, des fruits, du matcha et même des karaage (poulet frit japonais). A chaque saison vous aurez une crêpe à thème : par exemple, pour halloween c’est la crêpe à la citrouille.
Façade du Comptoir Harajuku : 53 Rue Saint-Roch, 75001 Paris
Au restaurant Comptoir Harajuku, servies avec des boissons variées, des plats salés typiquement japonais tels que les okonomiyakis (omelettes japonaises) ou onigiris (boulettes de riz farcies), ces crêpes aux multiples parfums sont l'appropriation japonaise des crêpes françaises maintenant retransferée en France.
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