Denim en anglais signifie « toile de jeans ».

Le mot « denim » est dérivé de sergé « de Nîmes », une toile française tissée à Nîmes dès 1557 qui était à l'origine un mélange de laine et de soie. Le sergé est un tissu épais dont la trame (le fil transversal) passe sous deux ou plusieurs fils de chaîne (les fils longitudinaux). Le denim « moderne » est un solide tissu en coton produit dès le début du XIXe siècle aux États-Unis selon les méthodes européennes de sergé. En effet, le jeans a été créé entre Gênes et Marseille dans les années 1800. La teinte du fil de chaîne était de couleur bleu indigo, d’où l’expression « bleu de Gênes » qui a donné par la suite, au fil des déformations et des prononciations, l’appellation « Blue Jeans ».

Le Jeans « Made in Japan »

Pour beaucoup, dans le monde occidental, lorsque l’on pense aux jeans, il vient facilement en tête les différentes déclinaisons de publicité pour ces pantalons. Des publicités de cowboy et d’ouvrier de Levi’s dans les années 1920 jusqu’aux modèles habillés tout en « Vintage » d’aujourd’hui, en passant par les années 2000 avec des hommes et des femmes aux corps sculptés et torse-nus ne portant que des jeans Calvin Klein. La présentation de ce vêtement et ce qu’il représente ont tous deux bien évolués.

Le jeans américain

Le jeans américain, habit de travail des ouvriers au départ, est devenu un article de mode emblématique dans le monde entier, symbolisant la jeunesse, la rébellion et le confort. Les publicités mettent souvent en scène de jeunes mannequins séduisants portant des jeans dans différents contextes, afin de promouvoir différentes marques et différents styles. Des grandes marques comme Levi’s, Wranglers et Diesel utilisent une esthétique élégante et moderne pour promouvoir leurs produits, tout en soulignant leur attachement au savoir-faire artisanal rappelant l’époque des cowboys. L'accent est mis sur les qualités (la robustesse et la longévité) des jeans, soulignant souvent leur capacité à résister à l'usure et à rester à la mode pendant des années. Les représentations des jeans américains dans les publicités reflètent également les valeurs culturelles et les aspirations du public ciblé, telles que la liberté, l'indépendance et l'individualisme.

 

Wrangler® Cowboy Cut® jeans 2023

Costume avec jeans de la marque Asphalte 2023

Le jeans européen

Le jeans européen est un élément essentiel de la mode européenne. Sa représentation dans les publicités reflète sa qualité et son style. Les publicités mettent souvent en avant la durabilité, la coupe et le design unique des jeans. Sa polyvalence convient aussi bien aux occasions décontractées qu'aux occasions formelles est aussi mise en valeur. De nombreuses campagnes mettent en avant la solidité des marques européennes de denim, en soulignant leur engagement en faveur de processus de production respectueux de l'environnement. Les jeans européens sont vraiment appréciés pour leur qualité, leur style vestimentaire et le choix par les fabricants de pratiques qui se veulent socialement responsables.

Le jeans vintage

Le jeans vintage est devenu de plus en plus populaire ces dernières années, de nombreuses marques l’utilisant comme une représentation de la nostalgie et de l'authenticité. Les publicités montrent souvent des personnes élégantes et séduisantes portant un jeans. Elles soulignent la robustesse et l’attrait intemporel de ce dernier. De plus, les jeans vintages sont souvent associés à la durabilité et à la conscience environnementale, car ils peuvent être recyclés, réutilisés et achetés en seconde-main. Dans l'ensemble, le jeans vintage est devenu un symbole de la mode et de la conscience sociale.

Publicité LEVI'S Vintage 2022

Publicité de jeans japonais de la marque GU

Le jeans japonais

Le jeans japonais a gagné en popularité dans le monde entier en raison de la qualité supérieure de ses matériaux et du savoir-faire des fabricants. La représentation dans la publicité met l'accent sur des arguments de vente autour de la durabilité des fibres de denim et des techniques complexes utilisées pour créer les délavages et les finitions. Les marques japonaises utilisent une esthétique et une imagerie peu sophistiquées pour mettre en valeur leurs produits, l’attention portée aux détails venant au moment de l’achat. Ces jeans sont un choix répandu à travers le monde pour ceux qui apprécient l'authenticité et la mode de haute qualité. 

Evolution historique du Jeans au Japon

Après avoir abordé la représentation du jeans dans le monde à travers les publicités, focalisons-nous sur la fabrication du jeans au Japon et sa transformation.

 

Le denim, le textile constituant les jeans, n'a commencé à faire son apparition dans la mode japonaise qu'au milieu du XXe siècle, après la Seconde Guerre mondiale, lorsque l'occupation américaine du Japon a suscité des vagues d'intérêt pour la mode et la culture pop venant des USA. Ainsi, aux États-Unis, l’histoire du jeans denim est bien plus longue qu’au Japon car c’est là où il a été fabriqué et popularisé pour la première fois sous la forme d’un pantalon, puis utilisé pour divers vêtements. Étonnamment, les jeans en denim produits au Japon aujourd'hui peuvent se targuer de qualités qui en font des équivalents distincts, voire supérieurs, à ceux produits aux États-Unis. Le denim fabriqué au Japon n'est plus simplement un « tissu américain » mais bien un tissu japonais à part entière, il est devenu l'incarnation de traditions exclusives en matière de teinture et de tissage.

 

Les caractéristiques uniques du denim japonais

L’indigo « denim »

Si aux Etats-Unis le tissu denim est teinté avec des produits artificiels, au Japon il est teinté à la main avec des colorants naturels provenant de l'indigotier japonais, Indigofera tinctoria. Les denims japonais les plus fins sont des produits artisanaux propres au Japon qui intègrent des méthodes datant de l'Antiquité. La culture de l'indigo remonte au VIIe siècle, époque à laquelle les artisans japonais ont appris à extraire des bleus aux nuances profondes et sombres à l'aide de ces plantes. Au Japon, la teinture indigo n'était initialement utilisée que pour les vêtements portés par les aristocrates et les samouraïs. Toutefois, au XVIIe siècle, soit deux siècles avant que les États-Unis ne voient leur première paire de jeans en denim, la teinture indigo japonaise avait déjà été popularisée pour teindre les tissus ménagers des gens du peuple, notamment les kimonos et les essuie-mains. Aujourd'hui, l'indigo japonais caractéristique, transmis de génération en génération, est unique à de nombreux produits en denim haut de gamme, qui sont fabriqués dans la préfecture japonaise d'Okayama, la Mecque du denim. 

 

Le tissu selvedge

L'autre caractéristique importante de la qualité du denim est le tissu à partir duquel il est fabriqué. Selvedge, de l'expression anglophone "self-edge", désigne l'extrémité naturelle d'un rouleau de tissu qui empêche l'effilochage de la matière lorsqu'elle est utilisée pour fabriquer un vêtement. Le bord du tissu selvedge est l'un des aspects les plus distinctifs du denim japonais.

Qu'est-ce que le denim selvedge japonais et qu'est-ce qui le rend si unique ? C'est principalement la façon dont il est fabriqué. La production de denim selvedge est plus coûteuse car il ne peut être tissé qu'à une largeur de 31 pouces (78.74 cm), soit environ la moitié de la largeur du denim non selvedge, et il est tissé sur d’anciens métiers à tisser à navettes qui requièrent plus d'habileté et de savoir-faire. Le tissage est plus serré et plus dense, et présente diverses imperfections. La lisière du denim selvedge japonais est généralement tissée avec une bande rouge caractéristique, bien que le vert, le blanc, le marron et le jaune ne soient pas rares.

 

Histoire du denim japonais

Le concept de mode des vêtements en denim peut être considéré comme importé au Japon, mais le denim japonais haut de gamme a sa propre histoire.

Dans les années 1950, en raison des exigences de la mondialisation et de la production de masse, presque toutes les usines de denim aux États-Unis ont choisi d'abandonner leurs métiers à navettes au profit de métiers à projectiles, qui produisent beaucoup plus de denim en grande largeur à des vitesses beaucoup plus élevées. Cette décision a permis de réduire les coûts de production, mais a également compromis certaines qualités.

En particulier, contrairement aux métiers à navettes, les métiers à projectiles ne tissent pas le denim avec des fils continus qui créent des tissus avec des bords propres et scellés (tissu connu sous le nom de denim selvedge). Au lieu de cela, ils tissent le denim en tirant sur des brins individuels, non reliés entre eux, ce qui produit un tissu aux bords effilochés. C'est ainsi que les jeans ont commencé à nécessiter des coutures pour arrêter cet effilochement. Ces surfilages distincts sont devenus une signature des jeans industriels.

L'industrie du denim s'est développée et maintenue au Japon pour plusieurs raisons. D'une part, le marché des uniformes scolaires (principal produit de Kojima, ville de la préfecture japonaise d'Okayama depuis des décennies) a diminué en raison de la concurrence interne. D'autre part, dans les dures années de l'après-guerre, l'industrie ayant besoin d'un revenu supplémentaire, a accepté des contrats pour recouper de vieux jeans américains mis au rebut afin de les adapter aux corps des Japonais. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, le jeans était le vêtement de prédilection de la classe ouvrière et des GI américains lorsqu'ils n'étaient pas en service. Après la guerre, le jeans est devenu le symbole de la rébellion de la jeunesse lorsque James Dean a été filmé portant une paire de jeans Lee dans le film emblématique Rebel Without a Cause daté de 1955 (en français : La Fureur de Vivre).

La culture américaine et les vêtements américains de l’époque ont rapidement fascinés les jeunes Japonais. Les plus entreprenants d'entre eux ont importé des jeans américains classiques qu'ils revendaient au prix fort. Suite à l’amplification de la fascination pour la culture américaine et grâce aux Jeux Olympiques de Tokyo de 1964, le phénomène Taiyōzoku, une sorte de contre-culture rebelle qui s’est emparé du symbole du jeans pour contester l’ordre établi, a pris sa place et de l’ampleur au sein de la société japonaise. Cette forte demande, associée à l'obsession de la culture américaine et à la recherche de la perfection japonaise, a fait décoller la production de jeans au Japon.

La Jeans Street (rue des jeans) de Kojima.

 

Maruo Clothing - aujourd'hui connu sous le nom « Big John », une marque toujours florissante - a alors eu l'idée de résoudre son perpétuel problème d'approvisionnement en jeans : Maruo allait fabriquer son propre tissu denim, qui serait beaucoup moins cher que les importations américaines. Maruo Clothing avait déjà connu le succès en 1968 en tant que fabricant de jeans avec du denim américain importé. L’entretprise Maruo avait convaincu la célèbre société Cone Mills de lui envoyer des chutes, des rouleaux B et des restes de tissus, qui ont été utilisés pour lancer la première ligne Big John. Maruo Clothing a fait un énorme pari en se lançant complètement dans la fabrication de jeans. À l'époque, cette décision a dû paraître scandaleuse, car presque personne dans tout Okayama ne possédait de jeans ! Au début des années 1970, Big John a demandé à une usine du nom de Kurabo de procéder à une rétroconception du tissu de Cone Mills sur des machines à navettes reprises des américains et perfectionnées. Après plusieurs essais, Kurabo a finalement réussi à produire le tout premier denim 100% japonais en 1972, baptisé Kurabo KD-8 (le 8 signifie qu'il s'agissait du huitième essai). La série "M", produite par BIG JOHN à partir du denim Kurabo KD-8, devient la première paire de jeans japonaise entièrement fabriquée par leurs compatriotes.

                                                              Jeans KD-8

 

Après cette révolution dans la production de jeans japonais, ces mêmes personnes vont participer à l'engouement mondial pour le vintage.

Métier à navettes en cours de production de tissu denim selvedge

 

 

C’est à la fin des années 1970 que des passionnés ont commencé à relancer la production vintage, réintroduisant les vêtements en denim comme un produit supérieur d'une époque révolue. Il est à noter que ce renouveau n'a pas commencé aux États-Unis, mais à Osaka, au Japon. Cinq entreprises courageuses (les "cinq d'Osaka"), dont la première a vu le jour en 1979 (Studio D'Artisan), ont commencé à réadopter les méthodes de tissage d'antan pour fabriquer les jeans selvedge qui avaient été presque oubliés par les masses. Les efforts des cinq entreprises d'Osaka ont inspiré d'autres fabricants de denim régionaux, qui ont non seulement redécouvert le denim selvedge, mais ont également été les pionniers de nouveaux styles, de nouvelles teintures et de nouvelles techniques de selvedge que les États-Unis n'avaient pas encore connus. 

  Les cinq d’Osaka : Fullcount, Warehouse, Denime, Evisu et Studio D’Artisan

 

 

Alors que les États-Unis voient leur nombre d'usines de denim se réduire (par exemple, la disparition en 2004 de Cone Mills, créée en 1895), l'industrie japonaise du denim est toujours aussi persistante. Les amateurs de denim au Japon connaissaient déjà la véritable valeur d'une paire de jeans parfaitement confectionnée. Il a fallu attendre l'explosion du denim de luxe à la fin des années 90 pour que le reste du monde commence à s'intéresser à cette forme d'art et d’artisanat du denim japonais en plein essor.

Hidehiko Yamane, fondateur d'EVISU, a été l'un des premiers à se lancer sur la scène du denim haut de gamme en créant certains des premiers denims haut de gamme au monde. Utilisant les mêmes méthodes que ses prédécesseurs, Yamane a pu créer 14 paires de jeans selvedge entièrement fait à la main en une journée sur d'anciens métiers à tisser, et signés de ses symboles de mouettes peints à la main. Ces signatures de mouettes sont depuis devenues emblématiques. La marque EVISU, qui voulait à l'origine simplement recréer des jeans en hommage au 501 xx classique de Levi's, a pris son propre essor ce qui lui a valu un véritable culte de la part des adeptes de la scène streetwear. EVISU a rapidement acquis la réputation d'être le fleuron des meilleures marques de denim et a pu vendre chaque paire de jeans à plus de 100 dollars - la première marque de denim à le faire dans les années 90.                                       

      Jeans de luxe EVISU

D'autres marques ont continué à expérimenter le denim selvedge japonais à la recherche de la paire de jeans parfaite, et le marché mondial du denim de luxe a explosé. Japan Blue Group, basé à Kojima, était déjà connu pour son denim haut de gamme au Japon et a rapidement commencé à vendre aux plus grandes marques de luxe du monde, telles que Louis Vuitton et Gucci. Bientôt, toutes les maisons de couture du monde ont eu une ligne de jeans japonais. Japan Blue a créé le label Momotaro Jeans pour rester fidèle à son amour et à son respect du jeans.

Jeans G001-T Gold Label de Momotaro

Le jeans G001-T Gold Label de Momotaro est le summum de l'art du denim. D'un prix d'environ 2 000 dollars, ce jeans est entièrement fabriqué à la main et teint à l'aide d'indigo naturel provenant de la plante Indigofera tinctoria. Ce procédé de teinture naturelle à l’indigo va à l'encontre de ce que la plupart des amateurs de denim recherchent dans une paire de jeans : les jeans ne se décolorent pas parce que la teinture pénètre au cœur du coton. En fait, il devient souvent plus foncé avec l'âge. Tissé à la main sur un métier à tisser qui est utilisé pour tisser les soies des kimonos, ce denim particulier nécessite jusqu'à 8 heures pour chaque mètre de tissu. Le bouton de fermeture est fait d'argent. Une fois terminé, le jeans est lavé dans l'eau de la mer de Seto. La production de chaque paire peut prendre jusqu'à un an et devient même un événement communautaire, les habitants de la région participant à la création de chaque paire. Nombreux sont ceux qui se moqueraient de payer 2 000 dollars pour une paire de jeans. En revanche, les amateurs de denim trouvent le prix raisonnable compte tenu des années de tradition, de formation, d'artisanat et de savoir-faire nécessaires à la création de chaque paire unique

Japon, leader de la mode denim

Ainsi, l'obsession des Japonais à recréer les jeans américains dont ils raffolaient, a conduit les marques et les fabricants de denim japonais à devenir les meilleurs au monde en termes de savoir-faire et de production. Le Japon est passé du statut de suiveur à celui de leader dans la mode du denim. Devenu la plaque tournante mondiale du denim selvedge, le Japon ne se contente plus d'imiter le selvedge de qualité, inventé par les États-Unis, mais s'est développé en tant qu'innovateur dans ce domaine de la mode et comme défenseur d’une qualité supérieure de denim et vêtements en jeans. Dès lors, ce n'était qu'une question de temps avant que le reste du monde ne s'intéresse au travail artisanal qui se cache derrière le denim japonais.

La confection inégalée, la qualité des tissus, l'utilisation des meilleures teintures, le choix de cotons et de matières premières de qualité supérieure et l’attention apportée aux innombrables détails (tels que les coutures, les boutons, les rivets, les poches et les lisières) ont fait du denim japonais le plus prestigieux, le plus qualitatif et, par conséquent, le plus cher au monde. Le jeans japonais est un produit de luxe, à acheter une fois dans sa vie et à porter pour toujours ! Bien loin de la philosophie du jetable, caprice de la fast-fashion occidentale, les artisans japonais du jeans denim s'appuient sur le concept de "Takumi" : un mot qui décrit l'artisanat comme un mode de vie unique, une philosophie qui va bien au-delà de la simple dextérité manuelle. 

Cette publicité de jeans japonais illustre bien l’adhésion des jeunes à la modernité représentée ici par la femme et l’attachement à l’artisanat et aux traditions japonaises symbolisé par le parapluie et les chaussures « geta » de l’homme.

 

Le jeans japonais n’est pas simplement une appropriation japonaise du jeans américain mais de par les exigences et caractéristiques associées, une recontextualisation du denim. En abordant le jeans sous l'angle d’une forme d'art plutôt que du vêtement de travail, le Japon a créé sa propre version, plus raffinée, du jeans. Il est devenu un objet d’art appartenant à la mode intemporelle, axé sur la qualité, la longévité et l’artisanat.

 

Aujourd'hui, le marché est saturé de marques de denim japonais, ce qui donne lieu à une quantité vertigineuse de jeans "Made in Japan". Les marques classiques sont toujours une valeur sûre, mais de nombreuses nouvelles marques japonaises de denim ont la même passion et le même respect pour la fabrication des jeans que celles qui les ont précédées.